Je me souviens il y a six mois quand j’ai annoncé à ma maman que notre choix pour un nouveau monastère à Paris s’est porté sur le Prieuré de Verdelot, ma maman s’est exclamé en un ouf de soulagement: « Ô seigneur, mon souhait depuis tout ce temps s’est enfin réalisé ».
En fait ma mère est catholique pratiquante de longue date et a toujours souhaité que mon père se convertisse lors de leur mariage. Ce que mon père n’a jamais fait, préférant garder sa religion vietnamienne d’origine qui est le culte des ancêtres. Donc mes frères et moi avions tous eu droit au baptême catholique à notre naissance. Chemin faisant, en grandissant mes frères et moi nous nous sommes éloignés petit à petit de l’Église. Alors quand je me suis fait ordonner moine bouddhiste dans la tradition du Village des Pruniers, cela a été un grand choc pour ma mère. Elle l’a pris comme une opposition frontale voire même une trahison! (ce qui n’est pas totalement faux d’ailleurs…). Même si ces dernières années ma mère est contente d’aller me voir au Village des Pruniers, au fond de son cœur elle aurait toujours souhaité que je devienne plutôt moine chrétien.
Le fait maintenant qu’avec 12 autres frères, la moitié d’origine Vietnamienne et l’autre moitié d’origine française, européenne et asiatique non vietnamienne, nous nous installions à Verdelot, cela a été une sorte de délivrance pour ma mère: son fils habite et médite désormais dans la Maison de Dieu! Ma mère souhaiterait même venir faire de longs séjours à Verdelot.
Au moyen âge Verdelot était autrefois un haut lieu de pèlerinage dédié à la Vierge Noire de Notre Dame de la Pitié (De nos jours, ce pèlerinage se perpétue toujours chaque année). Notre monastère actuel de la Source Guérissante est un ancien couvent des sœurs Augustines de Meaux, couvent lui-même construit sur le terrain du Prieuré de Verdelot appartenant aux moines bénédictins du 11e au 17e siècle.
Quant à moi, portant la robe marron de moine de la tradition bouddhiste vietnamienne, je me suis toujours senti à l’aise chaque fois que je dois accompagner ma mère à la messe ou pour rendre visite aux prêtres amis de ma mère. Je suis maintenant heureux et fier de pouvoir accrocher au mur la Croix de Jésus au dessus de la tête de mon lit, pas loin de l’autel dédié au bouddha. (Cette Croix a été trouvée au sous-sol du couvent par sœur Giác Nghiêm Elisabeth, abbesse de la Maison de L’inspir au décours d’une visite en vue de l’achat du couvent. Mais ceci est une autre histoire…).
Depuis les démarches d’appel à la collecte de fonds, d’acquisition du Prieuré et les débuts de notre installation toute récente à Verdelot, je suis conscient que nous avons la bénédiction des ancêtres des lieux. Nous pouvons tous ressentir l’énergie de prière et de recueillement des générations entières d’ancêtres spirituels habitant ce lieu même pendant des siècles. Cette paix et cet amour régnant sur ce lieu peut se voir sur le visage de la Vierge Marie, présente et veillant sur nous avec sa belle statue logée dans une jolie niche sur la façade principale du Prieuré. Bientôt nous recevrons en offrande une grande statue du boddhisatva Avalokiteshvara, être doué de la Grande Compassion, offerte par une des sanghas laïques au Vietnam. Nous l’installerons alors quelque part dans le jardin du Prieuré. Ainsi Marie et Avalokiteshvara pourront main dans la main nous accompagner chaque jour dans nos marches méditatives.